La société Sciences Nat


Jacques Rigout
Jacques naît en France dans le département du Nord. Il habite chez ses parents à Louvroil. Il y a un grand jardin et en été il observe attentivement les papillons et les chenilles. Après l'école de garçons de Louvroil, il poursuit ses études au collège de Maubeuge, cela lui fera faire de la marche à pied 4 fois par jour : 2 km pour aller le matin, 2 km pour retourner manger à la maison le midi, puis retour à l'école et enfin 2 km le soir.
Dans ce collège, le professeur de sciences, Maufroy, un jour explique comment attraper les papillons, les tuer, les piquer, les étaler et les conserver dans des boîtes vitrées.
C'est ce qu'il fera mais sera très déçu lorsqu'il s'appercevra que les papillons tombent ensuite en poussières. Il ne savait pas ou il n'avait pas bien entendu le professeur dire qu'il fallait placer un insecticide dans les boîtes afin d'empêcher les parasites de s'attaquer aux papillons.
Il étudie ensuite à l'Ecole Nationale Professionnelle (ENP) d'Armentières et obtient son baccalauréat technique.
Les vacances il chasse le papillon principalement en forêt de Mormal où il fait la connaissance de Daniel Malaquin (1925-2019) et de Plumecocq.
En 1962 il entre à l'Ecole Nationale de Radiotechnique et d'Electricité Appliquée (ENREA) à Clichy d'où il sortira ingénieur en électronique en 1966.
La proximité de Paris lui permet d'assister à des conférences d'amateurs de papillons qui ont lieu au Laboratoire d'Entomologie du Muséum National d'Histoire Naturelle chaque mois sous la direction du professeur Jean Bourgogne (1903-1999). Il y rencontre des spécialistes de renom comme le vicomte Hervé de Toulgoët (1911-2009), spécialiste des Zygènes ou Claude Herbulot (1908-2006) spécialiste des Géomètres. Il est impressionné d'entendre ces spécialiste citer les noms des papillons en latin. Dans ses trajets en métro il apprendra à connaître et à se rappeler des noms latins de certains papillons.
Il s'abonne au bulletin de la Société entomologique du Nord de la France, dirigé à cette époque par Ernest Cavro (-) puis à la revue Alexanor dirigée par Jean Bourgogne. Ses premières publications datent de 1969 : Notes de chasses en forêt de Mormal, bulletin de la Société entomolique du Nord de la France n. 165, puis dans la revue Alexanor, volume 6, numéro 4 : Observations et captures intéressantes.
Fin 1966 il épouse Danielle Ehrman, qui a fait ses études au Lycée Jacquard, diplômée technicienne supérieure en électotechnique.
Il travaille d'abord à la SAT, Société Anonyme de Télécommunication, rue Cantagrel, à Paris, puis à la société La Signalisation à Orly.
Les week-ends ensoleillés sont consacrés en pique-niques en forêt et chasse aux papillons.
La fin des années 60 et le début des années 70 sont la vogue des concours commerciaux. Il participe à de nombreux concours, et gagne parfois de nombreux lots.
C'est en 1971 qu'il gagne le premier prix du concours "Les rois de l'humour" organisé par la société Gervais-Danone.
Un chèque de 20 000 Francs lui est remis (le ???)
Que faire de cet argent ?
La première idée est d'acheter une voiture qu'il aimerait bien avoir : une Mercedes, dont le prix avoisine le montant qu'il a reçu.
La seconde idée est de créer une société qui proposerait à la vente du matériel entomologique comme des filets à papillons, des épinles à insectes,...

Naissance de la société Sciences Nat
Les 20 000 Francs son suffisants à l'époque pour créer une Sàrl, reste à trouver un gérant car abandonner le travail salarié n'est pas envisageable financièrement.
Il y a bien Roger Ehrman, le papa de Danielle qui vient d'ètre à la retraite de la SNCF, mais ça ne semble pas trop l'intéresser.
C'est là qu'intervient son épouse, Germaine Doucet, qui insiste fortement pour qu'il prenne la gérance de la nouvelle société, grâce à elle, la société Sciences Nat va exister.
Le local d'une ancienne poissonerie au 86 rue de la Mare dans le 20ème arrondissement de Paris est rénové par Roger Ehrman et la société peut recevoir des clients.
Les débuts sont difficiles et la paye de Danielle est entièrement engloutie dans la jeune société, l'idée de vendre la société est dans les airs...
Néanmoins, petit à petit les ventes augmentent et la société reçoit de l'aide de quelques entomologistes qui les guident dans la vente de matériel nouveau.

Une publication trimestrielle
Afin de s'attirer une clientèle et d'intéresser les entomologistes à la nouvelle société, un Bulletin est édité dès 1972, c'est le "Bulletin de la Société Sciences Nat".
Petit à petit il permettra à des entomologistes amateurs de s'exprimer puis, grâce à la qualité des illustrations en couleurs, il attirera de nombreux spécialistes.
Au début le bulletin est envoyé gracieusement aux entomologistes, plus tard, la réalisation de la publication devenant fort coûteuse, une contribution puis un abonnement sera demandé.

Changement d'adresse
Le local est devenu trop petit et la société déménage au 45 rue des Alouettes dans le 19ème arrondissement de Paris.
La société propose du matériel entomologique nouveau comme des épinges à étaler à tête de cire, des étaloirs en balsa, des papillottes en papier cristal faites une à une à la main, et un bocal de chasse à cyanure rechargeable, une invention qui sera mentionnée dans la nouvelle édition du "Guide de l'entomologiste" de Guy Colas (1902-1993) sous le nom de flacon Rigout.
Les affaires progressent et Jacques Rigout souhaite élargir les activités à l'édition de livres.

Les publications
Après quelques réimpressions et une édition en Français de "L'élevage des phasmes", le premier ouvrage scientifique édité fut un travail de Francis Bricoux intitulé : "Le genre Zerynthia Ochsenheimer en Provence" édité en photocopies reliées par un peigne en plastique. L'ouvrage connu du succès. Vient ensuite un travail d'un spécialiste de renommée mondiale : Stephan von Breuning (1894-1983) intitulé "Révision du genre Rhopopinini Gressit de la région asiato-australienne". L'ouvrage paraît en 1975 également en photocopies reliées par un peigne en plastique et donne à la société une certaine importance dans le domaine de l'édition, l'auteur étant fortement connu au niveau international.
Puis vient un nouvel ouvrage sur les papillons de Nguyen Thi-Hong qui présente une thèse supervisée par Georges Bernardi (1922-1999) qui s'intitule : "Les Apatura. Polymorphisme et spéciation" qui paraît en 1976.

La dernière adresse
Trop de matériel, principalement des boîtes en matière plastique, encombrent la boutique.
Roger Ehman ne souhaite plus diriger la société et envisage d'aller habiter chez ses beaux-parents à Venette dans l'Oise, près de Compiègne.
À Venette il y a un immense batiment à louer...
Les propriétaires, M. et Mme Leclercq, accepteront de le vendre à Jacques et Danielle.
Les Rigout déménagent à Venette !
La société vendra désormais uniquement par correspondance.

L'édition
De nombreux livres existent sur les papillons, mais peu sur les Coléoptères, Jacques Rigout voit une opportunité de réaliser une série de livres sur ces insectes qui sont très appéciés par les entomologistes français.
Le local à Venette est très grand et beaucoup de matériel sont achetés comme une imprimante Gestetner, un massicot, un ordinateur.
Il faut trouver un sujet qui n'a pas été étudié récemment et surtout du matériel d'étude et un photographe professionnel capable de prendre des photographies de qualité, le photographe sera Guy Bouloux.
Le sujet sera sur les cérambycides geants très attractifs du genre Batocera. Plusieurs entomologistes acceptent de confier à Jacques Rigout des exemplaires rares.
Le texte est composé par Danielle. Un entomologiste Allemand et un autre Anglais acceptent de traduire le texte Français dans leur langue, l'ouvrage sera tri-lingue.
L'impression est réalisée par Jacques sur la Gestetner page par page et verso après recto. Il faut laisser le papier sécher après chaque passage, et pour les illustrations en couleurs imprimer les couleurs une par une. C'est très long mais le résultat est de qualité. Le tirage est de 500 exemplaires. Il faut maintenant assembler les ouvrages un à un en disposant les feuilles sur une table et en composant les livres à la main. Un relieur de qualité est trouvé au sud de Paris et le premier ouvrage de la nouvelle série Les Coléoptères du Monde paraît en 1982. Une présentation très amicale par Philippe Darge paraît dans le Bulletin de la société entomolgique de France, tome 67, pp. 335-336.
Les ventes sont bonnes et l'ouvrage est assez vite épuisé. Il sera réédité quelques années plus tard cette fois réalisé par un imprimeur local.
De nombreux auteurs se présentent pour réaliser chacun un ouvrage abondamment illustré, ce seront Gilbert Lachaume, Jean-Pierre Lacroix, Roger-Paul Dechambre... également des auteurs qui n'habitent pas en France comme Vincent Allard (Belgique), Miguel-Angel Moron (Mexique), Karl Werner (Allemagne)...
30 volumes seront réalisés, les 24 premiers par Sciences Nat et les 6 suivants par Hillside Books, Canterbury.
D'autres ouvrages importants paraîtront comme les ouvrages de Jean-Claude Weiss "The Parnassiinae of the World", les 3 premiers volumes publiés par Sciences Nat, le 4ème par Hillside Books, Canterbury et le dernier par Erich Bauer (Goecke & Evers).

Les autres activités
Dès le début de Sciences Nat des essais d'élevage d'insectes sont effectués. Ce sera le Dynastes hercules, puis des cétoines principalement africaines du genre Pachnoda.
Jacques Rigout visitera de nombreux musées dans le monde, il constituera une collection de Pachnoda et nomera 49 espèces ou variétés nouvelles de ce genre. Il donnera sa collection au Laboratoire d'Entomologie du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.
Un attrait particulier pour les cactus conduit à une collection importante dont des exemplaires impressionnants offerts gratieusement par Jean-Pierre Chichery (1923-2019).
Un reportage de Bertrand Meinnel paru dans Le Courrier Picard donne un aperçu des activités. Un autre en 1988 à la télévision de FR3 Picardie montre le nombre impressionnant de documentation sur les insectes.

Sciences Nat cesse d'exister en 2003, l'activité d'édition sera continuée par Hillside Books, Canterbury au Royaume-Uni.
En juin 2022 Hutchinson & Moeseneder créent le genre Rigoutorum avec comme espèce type Diaphonia bacchusi Rigout & Allard.